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par Trésor Kalonji

Aux Origines de la Négritude : l’idéalisme Européen face à l’Histoire de l’Afrique Noire

23 Mai 2011 , Rédigé par tresorkalonji.over-blog.com

La pensée idéaliste a fait le tour des écoles classiques occidentales et a été durant des siècles la référence identitaire de l’Europe par rapport aux autres nations du monde non occidental.

 

Cette pensée, ce courant, a forgé l’attitude et le comportement des nations européennes à tel point que beaucoup d’auteurs philosophiques n’ont pas hésité de parler d’eurocentrisme, entendons par là une vision et une compréhension du monde propre aux européens.

Cet eurocentrisme, a longtemps baigné dans l’assimilation et l’érection des préjugés en vérités scientifiques inéluctables qui ne supportaient que très peu sinon pas la contrariété.

Ce qu’aujourd’hui l’Histoire moderne qualifie de mythe fut à l’époque renforcée et inculturée pour justifier de la moralité d’actions que le bon sens aurait rebuté.

 

La malédiction de Cham par exemple, que de fervent s théologiens et historiens ont attaché à la lignée des noirs pour justifier leur servitude éternelle à une époque où l’esclavage battait son plein en est une illustration. Cette justification de la traite n’a été en rien le fait des négriers, mais est plutôt sorti de l’imagination féconde de quelques têtes européennes bien pensantes de l’époque, que la traite enrichissait.

 

La Force du Mythe

 

Mais comment pareil absurdité a-t-elle pu perdurer aussi longtemps et dépeuplée tout un continent avec toutes les atrocités qui s’en sont suivies ?

 

L’Ignorance est un premier élément de réponse pour un continent sous exploré dont les européens en dehors des descriptions faites par quelques explorateurs et commerçants, ne connaissait pas grand-chose.

 

Le récit de l’Afrique et des africains n’étaient révélé que par ce que les esclavagistes, soucieux de garder leur position d’intermédiaires, pouvaient bien révéler. La carte géographique faite par Bourguignon d’Anville de 1749, illustre bien cet état de chose par l’indication de fauves, de nymphes, d’arbres et de créatures étranges peuplant l’intérieur du continent.

 

La traite constituait le seul et l’unique intérêt que les européens portaient à ce continent que le Bon Dieu dans sa divine providence avait assujetti à une servitude éternelle du fait de la déchéance de leurs habitants originels. Jamais dans l’Histoire de l’Humanité on ne vit de pareils horreurs. Comme le note Charles de la Roncière, un continent se vidait peu à peu dans un autre par une saignée sans fin.

 

Durant toute la période de la traite, l’opinion européenne a été réconfortée par les mythes réconfortants et déculpabilisant.

Le courant insufflée par la Renaissance dans tous les domaines du savoir et qui était, censé libérer l’esprit critique des dogmes préétablis, n’a pas eu l’effet souhaité sur l’analyse et la perception des Européens face aux Noirs.

 

Dans son ouvrage « Voyage des îles carmecones », Maurice de Saint Michel apporte son « eau » au moulin en ces termes « Disons que cette nation porte sur le visage une malédiction temporelle et est héritière de Cham dont elle est descendante. Ainsi, elle est née pour la servitude éternelle ».

 

L’autre citation est du Père Dutertre qui cherchant à justifier la prétendue malédiction affirmait : « Je ne sais pas qu’a fait cette malheureuse nation, à laquelle Dieu a attaché comme malédiction particulière et héréditaire, aussi bien que la noirceur et la laideur du corps, l’esclavage et la servitude. C’est assez d’être noir, pour être pris, vendu et réduit à l’esclavage par toutes les nations du monde ».

 

Le philosophe D. Humes (1711 – 1776) : «  Je suspecte les nègres d’être naturellement inférieurs à la race blanche. Il n’y’a jamais eu de nation civilisée d’une autre couleur que la race blanche, ni d’individus illustre par ces actions ou par sa capacité de réflexion. Il n’y’a chez eux ni engins manufacturés, ni art, ni science. On n’a jamais découvert chez eux le moindre signe d’intelligence. »

 

Le philosophe Montesquieu (1689 – 1755) : « Ceux dont il s’agit sont les Noirs depuis les pieds jusqu’à la tête, et ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre. On peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un Etre très sage, ait mis une âme, surtout une bonne, dans un corps tout noir….une preuve que les nègres n’ont pas le sens commun…….il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes, parce que si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous même chrétiens. De petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait aux africains : car si elle était telle qu’ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d’Europe, qui font entre eux des conventions inutiles, d’en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié. »

 

Le Philosophe Hegel ( 1771 – 1830) : «  l’Afrique…(…)…Ce continent n’est pas du tout intéressant du point de vue de sa propre histoire, mais dans le fait que nous voyons l’homme dans un état de barbarie et de sauvagerie qui l’empêche encore de faire partie intégrante de la civilisation. C’est le pays de l’enfance qui au-delà du jour de l’histoire consciente de l’Histoire est enveloppé dans la couleur de la nuit. Elle n’a donc pas, à proprement parlé une histoire. »

 

Ce petit passage évoqué par Hegel rappelle un discours similaire et contemporain, prononcé en Juillet 2007 par le Président Français Nicolas Sarkozy à l’Université Cheick Antha Diop de Dakar au Sénégal.

 

Je ne saurais aller trop loin tant la multitude de récits analogues sont légions et heurterait le bons sens. En ne reprenant que les citations des trois précédents philosophes, il est à noter une absence totale de documentations sur les groupes cibles de leurs réflexions.

Il est tout de même étonnant que l’absence de rigueur scientifique et intellectuelle ait caractérisée ces ténors des Lumières.

 

L’argument de Montesquieu est elle sensée sur l’assise chrétienne de la traite alors que ceux qu’ils qualifiaient alors de « petits esprits » fussent issus de la Franc maçonnerie anticléricale qui y voyait une souillure ?

 

Comment ces esprits éclairés qui étaient réputées si perspicaces, si critiques, si méticuleux dans leurs raisonnements, en étaient-ils arrivés à aussi peu de jugeote et de discernement dans le cas spécifique relatif aux Noirs ?

 

Cette référence à une attitude Barbare, rétrograde et attardé des Africains, est-elle nouvelle dans l’Histoire ?

 

Ne se rappelle-t-on pas que les Grecs de l’Antiquité qualifiaient de « Barbares » tous les peuples qui n’étaient pas comme eux.

 

Les Romains, civilisés à la culture grecque n’eurent-ils pas la même appréhension envers les envahisseurs indo-européens qui envahirent l’Empire Romain d’Occident et qui, constituent la population européenne d’aujourd’hui ?

 

Considérées comme barbares et non civilisés ; ces peuples adoptèrent les coutumes et les institutions romaines, socle de la civilisation occidentale contemporaine.

 

La Barbarie est elle donc une absence de culture, d’art, de progrès scientifique tels que l’affirmaient ces philosophes ?

 

Le Pseudo – Humanisme

 

Au 19ème siècle, la distinguée Société Ethnographique de Londres arrivait à donner corps à la pensée civilisatrice que l’Europe se devait d’accomplir dans le Monde supposé Sauvage. Se basant sur les récits du capitaine Richard Burton, explorateur britannique à la solde des puissances colonisatrices qui affirmait que l’Afrique n’avait pas quitté le stade primitif et que sa situation désespérée requérait l’action civilisatrice du Monde évolué.

Ce pseudo – humanisme, compatissant envers ces grands enfants retardés qu’étaient à leurs yeux les Africains, étaient le fruit d’une vision fantaisiste s’arc boutant sur le principe des 3 C : Commerce – Christianisme – Civilisation, qui étaient les seuls vrais piliers de l’action extérieure des puissances de l’époque.

 

L’avènement du 20ème siècle a vu l’émergence d’auteurs réfutant les mythes sur les noirs.

Les thèses de Hume, Kant et Hegel ont été relayées à l’arrière garde de l’Histoire et ne constituent aujourd’hui que l’apanage sporadique de quelques mouvements sectaires issues de l’Extrême Droite Européenne.

Ces auteurs démontrent non seulement que le Noir est capable de Morale, qualité qui lui fut dépourvue par Hegel particulièrement, mais également de Valeurs culturelle, voire de Civilisation.





La publication du Livre du Père Placide Tempels « Philosophie Bantoue » a été un tournant qui a porté un coup dur aux ténors des préjugés sur les noirs en réhabilitant les noirs dans leur dignité « d’être ».

 

C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la naissance du Mouvement de la Négritude, qui loin des soubresauts de la Violence qui eurent à l’agiter à travers certaines tendances fondamentalistes, constitue un mouvement qui incarne et véhicule les valeurs culturelles des civilisations négro-africaines à travers les âges.

 

Le relativisme culturel à la base de cette remise en question des mythes idéalistes constitue à n’en point douter au vu des changements structurants qu’il apporta, une seconde Renaissance ; qui cette fois ne libéra pas la Raison du Dogme, mais discerna le Dogme de la Raison.

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